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Propositions du Comité du label ISR pour une refonte du référentiel

Propositions du Comité du label ISR pour une refonte du référentiel

En octobre 2022, le comité du label publiait ses recommandations sur l’évolution du référentiel du label ISR à destination de l’Etat, propriétaire du label.

L’objectif du comité est de proposer un label plus exigeant, plus lisible et plus efficace pour accompagner les progrès de la finance vers une économie plus durable. Pour permettre au label de jouer ce rôle d’accompagnateur et d’accélérateur, la démarche qui est retenue consiste à faire évoluer le label existant avec vigueur mais aussi progressivité, notamment pour encourager les fonds déjà labellisés à s’engager vers des démarches plus ambitieuses, au risque, sinon, de perdre leur label.

Pour atteindre cet objectif, le comité du label propose de s’appuyer sur trois principaux axes d’évolution :

  1. Renforcer les exigences de sélectivité tout en réaffirmant la nature généraliste du label
  2. Rendre systématique l’exigence de double matérialité et garantir la cohérence entre la stratégie ESG du fonds, ses objectifs ESG et les indicateurs de suivi associés
  3. Intégrer systématiquement la dimension climat dans le socle du label ISR

Pour travailler sur ces évolutions, le comité du label s’est appuyé sur six groupes de travail, constitués d’experts issus de différentes parties prenantes. Ils ont permis de démultiplier l’expertise au service du Comité du label auquel ils ont proposé des solutions concrètes d’évolution du référentiel, parmi lesquelles ce dernier a choisi les solutions présentées ci-dessous.

L’ensemble de ces travaux a ainsi permis au Comité du label de définir un ensemble d’exigences cohérentes et équilibrées, permettant d’aboutir à une refonte du référentiel du label ISR mobilier, véritable « socle ISR » solide et exigeant, qui pourra notamment servir de références à d’autres déclinaisons thématiques ou gradations du label.

  1. Renforcer les exigences de sélectivité tout en réaffirmant la nature généraliste du label

Le label ISR est un label généraliste ESG, visant à valider des démarches équilibrées dans les domaines de l’environnement, du social et de la gouvernance. Ce n’est pas un « label vert », ni un « label climat ». La refonte du label a pour premier objectif de renforcer les exigences des principes de base de constitution des portefeuilles en matière de sélectivité et d’équilibre ESG.

  • En matière de sélectivité

Le comité du label propose de renforcer l’exigence des deux approches sur lesquelles repose le label, depuis sa création. L’objectif est de garantir que la stratégie ESG des fonds a un effet significatif sur la construction de leurs portefeuilles. Les deux approches possibles sont :

  • l’approche en sélectivité, qui vise à réduire l’univers d’investissement des fonds,
  • l’approche en amélioration de note, qui exige que la note ESG moyenne du fonds soit significativement supérieure à celle de son univers d’investissement.

Le comité propose de maintenir l’utilisation possible de l’une de ces deux méthodes, complétées des propositions suivantes :

  • Pour les deux méthodes :
    • un renforcement des règles de définition de l’univers d’investissement initial des fonds, afin de s’assurer qu’il soit bien représentatif de leur politique d’investissement. En effet, la définition de cet univers initial est une étape cruciale, car elle constitue la base de calcul des seuils de sélectivité et d’amélioration de note du label. L’objectif poursuivi est donc d’assurer que l’élimination des valeurs ayant les moins bonnes performances ESG a bien un effet significatif sur la politique d’investissement des fonds. Pour cela, le comité propose de mettre en place des règles garantissant que les caractéristiques sectorielles, de taille, et de localisation géographique des entreprises au sein de l’univers soient cohérentes avec celles des entreprises dans lesquelles le fonds investit.
    • L’homogénéisation du mode de calcul les seuils de sélectivité et d’amélioration de note du label, en exigeant un calcul pondéré par la taille de l’entreprise (capitalisation boursière).
  • pour l’approche en sélectivité , le renforcement du seuil de sélectivité de 20% à 30%. A l’avenir, les fonds faisant le choix d’utiliser cette approche ne pourront pas investir dans les 30% plus mauvaises entreprises de leur univers d’investissement (valeurs exclues ou valeurs ayant une note ESG insuffisante).
  • pour l’approche en amélioration de note, le renforcement du caractère significatif de l’exigence de performance supérieure à l’univers de départ. Concrètement, les fonds choisissant cette approche devront calculer la note moyenne de leur univers d’investissement en retirant les 30% plus mauvaises notes du calcul (contre 20% aujourd’hui) : cela aura pour effet d’augmenter la note moyenne de l’univers, que le fonds s’engage à surperformer. En outre, pour les fonds qui font le choix d’investir dans les valeurs les moins bien notées de leur univers d’investissement initial, ils devront systématiquement mettre en place une action d’engagement ESG, visant à accompagner ces entreprises dans l’amélioration de leur performance ESG.

 

  • en matière d’équilibre ESG

Le comité souhaite mettre en place des exigences visant à assurer une démarche équilibrée sur les 3 piliers ESG et à éviter que l’on puisse faire une impasse sur l’un des piliers. Pour cela, il propose :

  • d’exiger une prise en compte minimale de 20% de chacune des dimensions ESG dans la notation ESG globale,
  • de mettre en place un cadre d’exclusion strict, en définissant notamment :
    • Sur le volet environnemental, des critères d’exclusion des émetteurs dont plus de 5% de l’activité provient du charbon (calculé en part du chiffre d’affaires) ou des énergies fossiles non conventionnelles (calculé en part de la production totale d’hydrocarbures), ou développant de nouveaux projets de ce type d’énergie. Par ailleurs, le comité du label propose d’exclure les producteurs d’électricité dont les émissions de gaz à effet de serre par kWh produit sont trop élevées pour être alignées avec les objectifs climatiques de l’Accord de Paris (selon des seuils définis dans le référentiel),
    • Sur le volet social, des critères d’exclusion des émetteurs soupçonnés de violation des droits humains fondamentaux, exposés à l’armement controversé ou encore à la production et la distribution de tabac,
    • Sur le volet gouvernance, des critères d’exclusion des Etats présentant des lacunes en matière de lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme, ou considérés comme non coopératifs à des fins fiscales par l’Union Européenne. Ces critères s’appliqueraient également aux entreprises dont le siège social est domicilié dans les Etats mentionnés ci-dessus ;
  • de mieux utiliser les controverses comme des outils d’alerte. Pour cela, le comité propose :
    • d’homogénéiser les pratiques des fonds via l’analyse de controverses selon les dimensions « grave, avérée, répétée »,
    • d’exiger la mise en place de procédures robustes d’identification et de suivi des controverses,
    • ainsi que le recours à un processus d’escalade formalisé ;
  • de renforcer les exigences relatives à l’engagement actionnarial, en listant de façon claire les éléments de définition permettant de le différencier du simple dialogue, notamment :
    • l’existence d’un objectif clairement formulé à l’entreprise,
    • faisant l’objet d’une temporalité définie,
    • et la mise en place d’actions d’escalade le cas échéant ;
  • de renforcer les exigences relatives au vote, en s’assurant que les fonds labellisés exercent leur droit de vote dans plus de 90% des assemblées générales éligibles.

 

  1. Rendre systématique l’exigence de double matérialité, et garantir la cohérence entre la stratégie ESG du fonds, ses objectifs de durabilité et les indicateurs de suivi associés.

Le référentiel actuel n’oblige pas à une approche de double matérialité, même si les fonds peuvent bien entendu la mettre en œuvre. Il repose en effet surtout sur une approche de matérialité financière, prenant en compte d’abord les effets financiers sur les portefeuilles des dimensions environnementales, sociales et de gouvernance. Il faut désormais aller plus loin et être plus exigeant en faisant systématiquement reposer le label sur une approche de double matérialité, prenant donc en compte également les incidences des portefeuilles sur les domaines E, S et G.

Ainsi, le comité du label propose de s’appuyer sur les notions définies par la règlementation européenne, notamment le règlement SFDR, pour mettre en place des exigences supplémentaires et s’assurer de la bonne prise en compte de la double matérialité par les fonds labellisés. Pour cela, le comité du label propose :

  • D’exiger que tous les fonds mesurent l’effet de leurs investissements sur l’environnement, le domaine social et la gouvernance, par la prise en compte des Principales Incidences Négatives au niveau de chaque fonds labellisé[1]. Cela nécessite l’analyse de tous les potentiels effets négatifs de chaque entreprise sur l’ensemble des thématiques de durabilité identifiées comme prioritaires par la réglementation SFDR (par exemple la contribution au changement climatique, l’atteinte à la biodiversité, la pollution de l’eau, la discrimination des genres). Pour répondre à cette nouvelle exigence, les fonds pourront utiliser plusieurs outils de leur processus d’investissement, tels que la notation ESG, les exclusions, etc… ;
  • D’homogénéiser les indicateurs utilisés par les fonds pour mesurer leur performance, en exigeant que les deux indicateurs pour lesquels les fonds s’engagent à obtenir une meilleure performance que leur univers d’investissement soient identifiés par les deux indicateurs d’incidences négatives (PAI) les plus en lien avec les objectifs ESG des fonds. Afin de s’assurer de la représentativité des résultats, la part des entreprises en portefeuille publiant ces deux indicateurs devra être supérieure à 90%.

 

  1. Intégrer systématiquement la dimension climat dans le socle du label ISR.

Bien que le label ISR demeure un label ESG généraliste, la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique ont pris une telle importance pour les épargnants qu’il est nécessaire de s’assurer à travers la labellisation ISR que les effets sur le climat font bien l’objet d’une attention particulière par les gérants des fonds labelisés.

Dans un souci de lisibilité pour les épargnants, un certain nombre d’exclusions paraissent aujourd’hui nécessaires en matière d’énergie. Le comité propose la mise en place de critères d’exclusion sur les sujets du charbon et des énergies fossiles non conventionnelles dont les conséquences environnementales sont les plus négatives (tel que décrit plus haut).

Pour les autres énergies fossiles dont il faut sortir pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050, le comité souhaite que le label participe dès aujourd’hui à l’effort nécessaire tant pour en réduire la demande que pour en supprimer l’offre dans les années qui viennent. Dans un monde qui n’est pas encore prêt, malheureusement, à se passer des énergies fossiles (plus de 80 % du mix énergétique mondial repose sur les énergies fossiles[2]), l’effort doit porter à la fois sur l’offre et sur la demande, dans une démarche progressive mais déterminée qui permette une « transition juste », comprise, supportable par les plus faibles et acceptée. Il est pertinent d’accompagner et de soutenir la transformation des acteurs, à condition qu’elle soit réelle et intégrée à une démarche ESG globale, plutôt que de les exclure, et de laisser ainsi la place à d’autres investisseurs moins exigeants. Le comité considère donc essentielle l’attention devant être portée à l’accompagnement de la transition des entreprises, en particulier dans les secteurs ayant les plus fortes émissions de gaz à effet de serre.

Ainsi, en application de l’Accord de Paris de la COP21, et dans la mesure ou l’Europe et la France se sont engagées à atteindre la neutralité carbone en 2050 et à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030, le label doit permettre d’accompagner les fonds, donc les entités financées, dans cette évolution nécessaire et dans la définition de leurs trajectoires de transition.

Le comité propose donc de traiter avec une vigilance renforcée les entreprises dont les enjeux climatiques sont les plus forts, tels que définis par SFDR[3], soit parce que leur activité alimente l’offre en énergies fossiles, soit parce que leur consommation directe en énergie carbonée est importante, soit parce que leur activité soutient la demande en énergie fossile de leurs clients : ces acteurs ont un rôle crucial dans le cadre de l’atteinte des objectifs climatiques, c’est pourquoi l’existence de trajectoire carbone et de plans de transition crédibles doit faire l’objet d’une vigilance renforcée par les fonds.

Pour ces secteurs faisant l’objet d’une vigilance renforcée, le comité propose d’exiger progressivement, en fonction de la taille des entreprises, une analyse, détaillée et appuyée par des cadres de références et méthodes reconnues, sur :

  • les différentes cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (scope 1, 2 et 3) à court, moyen et long terme dans le cadre d’un objectif net zéro à horizon 2050 et d’une analyse de la cohérence entre la trajectoire définie et les objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris,
  • les moyens mis en œuvre, ainsi que leur pertinence dans le cadre de l’atteinte des objectifs de la trajectoire fixée, notamment les plans d’actions mis en place et les ressources financières allouées,
  • la gouvernance mise en place et sa capacité à mettre en œuvre la stratégie d’atteinte des ambitions climatiques, notamment les politiques définies, la composition et l’implication des organes de direction, la transparence du reporting climat ou encore la prise en compte des enjeux de transition juste.

Si la trajectoire initiale, les moyens et la gouvernance ne sont pas cohérents avec l’Accord de Paris, l’entreprise ne peut pas être intégrée dans le fonds. Si, dans un second temps, elle ne respecte pas sa trajectoire, le fonds devra utiliser sa politique d’engagement pour corriger l’écart et, en cas d’échec, devra sortir l’entreprise de son portefeuille.

Pour les autres entreprises ne faisant pas l’objet d’une vigilance renforcée, si le comité du label est conscient que l’analyse de la crédibilité d’un plan de transition climatique est un exercice nouveau pour les fonds (pour lequel les outils et données nécessaires ne sont pas toujours disponibles), il considère toutefois que ces entreprises ont également un rôle à jouer dans l’atteinte des objectifs climatiques. Pour les accompagner dans cette démarche, le comité propose d’exiger que la méthodologie d’analyse ESG des fonds labellisés comprenne systématiquement une partie dédiée à leur trajectoire de transition climat, dont l’importance sera proportionnelle aux enjeux identifiés, avec un intérêt particulier porté au secteur financier.

* * *

Au travers de ces évolutions, l’ambition est de disposer d’un véritable « socle ISR » solide et exigeant, qui pourra ensuite servir de base à la mise en place de différentes gradations du label, de déclinaisons thématiques ou adaptées à des fonds constitués d’actifs spécifiques, ainsi que de références à d’autres labels français, qui n’auraient donc plus à définir que les particularités liées à leur spécificité. Cela permettra de faciliter la lisibilité et la compréhension des labels de finance durable pour les épargnants et les investisseurs et simplifier le travail des sociétés de gestion.

Sans avoir encore eu le temps de travailler sur ces évolutions plus spécifiques, le comité du label a cherché à faciliter l’utilisation du label pour certains fonds thématiques de qualité, en proposant de commencer à mieux adapter à leurs besoins les méthodologies actuelles de définition de leurs univers d’investissement initiaux et de sélectivité.

 

[1] tel que défini par l’article 7 de SFDR

[2] Ministère de la Transition Ecologique, Chiffres clés de l’énergie, édition 2021, d’après les données de l’AIE

[3] « secteurs à fort impact climatique » définis par le RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2022/1288.

 

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Retrouvez la présentation vidéo des propositions du comité du label ISR pour l’évolution du référentiel